Des bolivien-ne-s ou plutôt des Quechua et Aymara qui sont les 2 principales ethnies peuplant le pays et plus précisément l'Altiplano. En effet, lors de notre passage en Bolivie, nous avons surtout découvert la partie andine du pays, histoire notamment de limiter les transports et d’éviter les moustiques. Du coup, nous n'aurons pas rencontré les 34 autres ethnies du territoire…


# Notre séjour en Bolivie


Bien que nous n'ayons vu qu'une petite partie du pays, nous avons eu droit à une belle variété de paysages - le salar d'Uyuni, les formations lunaires des environs de Maragua et Torotoro, le codo de los Andes (ultime barrière des Andes avant les plaines), le canyon et les cascades de Torotoro, les volcans des environs de La Paz et du parc Sajama dépassant les 6000 m, le haut perché lac Titicaca, les geysers de Sajama... Nous avons adoré les découvrir au rythme lent de la randonnée, notamment Maragua, Torotoro, Titicaca et Sajama. L’avantage étant que, comme nous sommes déjà bien en altitude, pas besoin de faire trop de dénivelé pour voir un paysage magnifique. Nous étions en Bolivie en mai et juin et avons donc pu apprécier les couleurs pastel du début de l’hiver, en particulier celles de l’altiplano : le bleu du ciel, le vert et le gris de la montagne, le jaune des champs. Bien sûr, nous avons aussi rencontré quelques animaux sauvages : viscachas, vicuñas, flamands roses, ñandus... et beaucoup de troupeaux de lamas et alpagas. Les photos étant plus parlantes que des mots, on vous conseille de les parcourir !


Nous avons également profité de quelques « activités » pour découvrir des sites archéologiques (Incallajta, el fuerte de Samaipata, ruines Inca du lac Titicaca) appelés « pré-hispaniques » (comme si les milliers d’années qui se sont écoulées avant l’arrivée des espagnols pouvaient être résumées sous ce mot...), paléontologiques (empreintes de dynosaures de Nina Mayu et Torotoro) et naturels (visite de la grotte de Umajalanta dans le parc Torotoro, le salar d’Uyuni, bain d’eau chaude thermale à Sajama…). Et au lac Titicaca, nous avons fêté le passage à l’année Aymara 5525 au cours d’une soirée et d’une cérémonie matinale où l’on célèbre le lever de soleil de nouvelle année et fait bénir son portefeuille à coup de bière Paceña !


Les moments passés dans ces milieux naturels ont été entrecoupés par des étapes de quelques jours dans des villes, permettant des activités culturelles et l’accès à une plus riche variété culinaire qu’à la campagne, où nous prenions le temps de nous poser et nous reposer. Les villes étapes ont été Potosi, Sucre, Cochabamba et La Paz. Ce sont des villes moyennes à grandes, de quelques centaines de milliers à 1,5 millions d’habitants pour La Paz. On s’y est souvent senti bien, il y a toujours au moins un beau marché pour s’approvisionner ou manger dans les comedor, une ou plusieurs places pour se poser et observer les gens qui sont souvent en train d’y manger glaces ou gélatines, de beaux édifices coloniaux (mention spéciale à la blanche Sucre, capitale constitutionnelle du pays) et des rues bien animées à la tombée de la nuit avec de multiples stands de nourriture. Nous avons vu quelques beaux musées, notamment la Casa de la libertad de Sucre où nous avons assisté à une visite passionnante sur l’indépendance de la Bolivie (dont les libérateurs-trices les plus connu-e-s sont Juana Azurduy de Padilla, Simon Bolivar ou Antonio Jose de Sucre) et le MUSEF de La Paz où nous avons découvert l’art, la culture, les coutumes allant des temps Inca à aujourd’hui (tissage, poterie, masques, bonnets….). Dans ces villes, nous avons aussi découvert deux des passions boliviennes : la fanfare et le défilé. Les premières existent dans tous les écoles, lycées, universités mais aussi institutions publiques (armée, police…). Bien sûr, l’une ne va pas sans l’autre et nous avons eu droit à des défilés avec fanfares et uniformes dans presque toutes les villes où nous sommes allé-e-s : une chose est sûre, les bolivien-ne-s ont compris que la rue était à eux-elles ! D’autant qu’ils-elles ont de quoi célébrer avec les nombreuses révolutions qui ont eu lieu depuis l'indépendance du pays en 1825.


Nous avons aussi pu toucher du doigt les conditions de travail dans une mine (l’extraction des minerais étant l’une des principales activités économiques du pays) : ce voyage dans l’enfer du Cerro Rico de Potosi, exploité depuis plus de 500 ans, nous a d’ailleurs pas mal chamboulé et a remis en cause notre manière de penser d’occidentaux « nantis ». Ici, même s’il s’agit d’une coopérative (mot qui pour nous est synonyme de solidarité et de partage), les mineurs achètent eux-mêmes leurs outils de travail et s’affrontent entre eux en cas de concurrence, parfois même à coup de dynamique. Dans ces conditions, la sécurité au travail est donc loin d’être la priorité ! Bien sûr, l’alcool est très présent (la spécialité du pays : un « alcool potable » de cane à 96°, à seulement 30cts d’euros, que l’on mélange avec ce que l’on a sous la main) et engendre les mêmes méfaits que partout, notamment violences conjugales et familiales. Nous n’avons passé que 2 heures dans cette mine, courbé-e-s pour ne pas nous cogner la tête au plafond ou nous prendre dans les fils électriques, respirant poussière et gaz, mais cela nous a suffi pour mesurer l’horreur du travail dans cette mine et conforter notre point de vue sur les bienfaits de la décroissance.


Nos 2 mois en Bolivie auront été marqués par de belles rencontres. Lors d’un volontariat (loin d'être passionnant) dans une finca proche de Samaipata, nous avons passé 10 jours avec Virginia, une argentine voyageuse avec qui nous avons beaucoup échangé et partagé notre passion pour la cuisine (enfin, la passion de Maxou car Bana se contente plutôt de l’étape d’après, à savoir savourer les repas). Pour une fois, c'était un volontariat où nous avons davantage cuisiné que travaillé. Alice et Aymeric, couple de voyageur-euse français parti pour 18 mois en Amérique - nous les avons d’abord rencontré-e-s dans une auberge de Sucre puis retrouvés à Cochabamba, La Paz et Copacabana. Kevan et Noémie, un autre couple de français-e-s (dont Noémie de Lannemezan!) avec qui nous avons bien ri lors de notre séjour à Torotoro. Grégoire et Pauline, des parisien-ne-s de l’est (ancien-ne-s du WWF!) qui mènent un projet appelé « changeons de regard sur l’âge » pendant leur voyage, avec qui nous avons passés notre dernière soirée en Bolivie.


# Le contact avec la population locale


On distinguera les sympas, souriants qui parlent volontiers de leur pays, et les (nombreux-ses) désagréables que nous font sentir que l’on dérange. En venant du Chili, on nous avait prévenu que les bolivien-ne-s étaient globalement rudes. Beaucoup font la gueule - le sourire et le rire ne sont pas de mise, même chez les enfants. Il arrive qu’ils-elles ne nous regardent pas quand nous, « gringos » , leur parlons, qu’ils-elles n’écoutent pas la question posée et donc répondent à coté, et évidemment qu’ils-elles nous arnaquent (surtout dans les coins très touristiques). Il faut cependant relativiser car « y’en a des biens » comme dit Didier et car ils-elles sont aussi très rudes entre eux-elles (entre commerçant-e et client-e, par exemple). Les concepts du civisme et de la politesse sont simplement différents des nôtres ; à nous de nous adapter (que personne ne vienne nous parler de ces « immigré-e-s qui ne veulent pas s’intégrer à la France » maintenant… car on vous assure qu’oublier toute sa culture pour en adopter une autre est assurément impossible). Ce qui nous a paru dommage, et parfois difficile, est que le comportement des « malhonnêtes » nous rende méfiant-e-s voire même parfois désagréables avec le temps. Le bon coté est que, lorsque nous tombions sur des personnes sympas et souriantes (souvent hors des lieux touristiques), nous étions agréablement surpris-e-s et tout heureux-se de notre petit échange sur le pays, la politique, eux, nous, etc.


On ne peut bien évidemment pas écrire un article sur la Bolivie sans parler des « cholitas », ces femmes fortes et courageuses qui peuplent le pays et que l’on rencontre sur le marché, dans le bus, dans les champs, mais aussi dans des manifestations anti-droit à l’avortement. Il est bien difficile de leur donner un âge, du fait de leur tenue qui est la même (avec quelques divergences en fonction du lieu) et de l’enfant qui est dans leur dos et dans leurs jambes. Comme dans la plupart des pays que nous avons visités, ces femmes, en plus de travailler durement, s’occupent en parallèle de leurs enfants pas encore en âge d’aller à l’école. Leur tenue est composée d’un chapeau pour protéger la tête et les yeux du soleil brûlant de Bolivie, d’un pull en laine pour les cholitas de l’Altiplano ou d’un tee-shirt façon dentelle pour celles des terres basses, par-dessus d’un tablier avec des poches pour ranger tout ce qu’elles peuvent (bien que leur portefeuille favori soit leur soutien-gorge), d’une grande jupe d’inspiration espagnole avec mille plis, de guêtres et de chaussures ouvertes noires vernies. La coiffure de la cholita est toujours la même, deux tresses, mais l’ustensile qui leur sert à les attacher diffère d’une femme à une autre. Trêve de blabla, les mots ne valent pas une photo !


SInon, au chapitre des petites tuiles que l’on n’oubliera pas, on notera :

  • Le jet de riz par une cuisinière sur Maxou en train de photographier une table et des chaises dans un comedor,
  • Le jet de pierres par des enfants d’une dizaine d’années en direction de nous deux sans autre raison que notre présence,
  • Le jet de pois par des gens à l’arrière d’un camion, alors que nous attendions au bord d’une route dans un petit village,
  • La blessure au pied de Maxou causée par une belle épine dans les environs de Mizque - au moins, on connait maintenant les hôpitaux boliviens !
  • Le vol de tee-shirts de Bana et de plaquettes du bon chocolat de Sucre par la fille du tenancier d’un hôtel de Mizque - heureusement on a presque tout retrouvé, excepté la plaquette de chocolat noir que Maxou ne gouttera jamais,
  • La nouvelle d’un agent des impôts ne manquant pas de zèle que nous devions payer un (gros) impôt sur les bénéfices inexistants de notre sous-location parisienne.


Nous tenons à tordre le cou aux potentielles idées reçues qu’il pourrait exister sur la Bolivie : à aucun moment nous nous sommes senti-e-s en insécurité ou avons eu peur dans ce pays, de jour comme de nuit, en ville comme à la campagne. Les seuls vecteurs d’insécurité étaient les médias, et notamment les journaux TV, qui ne parlaient que de violence et d’agressions. Nous avons surtout trouvé que la Bolivie est un pays difficile pour ses habitant-e-s et que la violence est, comme souvent, plus économique qu’autre chose. Et cette phrase fait parfaitement la transition avec le paragraphe du dessous !


# El Evo


La figure publique, sur qui tout le monde a un avis à donner, est le seul, l’unique, l’omniprésent Evo Morales. Difficile de se faire une idée sur cette forte personnalité politique élue en 2005. En Europe, il est souvent présenté comme le premier président indigène du sous continent (ce qui est en réalité faux), mettant fin à l’oppression des colons et des impérialistes, redonnant le pouvoir au peuple (notamment indigène), nationalisant l’économie et redistribuant les richesses.


Suite à nos quelques échanges avec les locaux, observations du fonctionnement (très local et partiel) du pays et aussi lectures d’articles de Mediapart, beaucoup de choses semblent justes et positives mais des nuances paraissent indispensables… Ce président est bien indigène et oeuvre pour son peuple, mais possiblement beaucoup pour celui de son ethnie, les Aymaras, dont certains sont producteurs de coca - la fameuse plante andine, traditionnellement mastiquée dans le pays mais dont une part importante de la production disparait pour répondre à la demande états-unienne et européenne en cocaïne. Les dépenses publiques ont bien augmenté et la pauvreté diminué depuis son accession au pouvoir mais des investissements serviraient davantage sa popularité que le bien commun. Par exemple, le financement de démesurés édifices (coliseos ou terrains de sport) dans des villages pro-Morales sans oublier de mettre la photo du guide Evo sur un panneau. La préservation de la Pachamama (la Terre Mère), bien qu’inscrite dans la fraîche constitution, serait elle aussi remise en cause au profit de projets plus juteux : un beau et gros barrage ou une petite et mignonne exploitation pétrolière seraient privilégiés sans discussion face à la préservation d’une réserve naturelle ou d’une ethnie locale. Bien que des chiffres soient en la faveur de la politique menée depuis son accession au pouvoir, son mouvement semble surtout tenu à sa personne (tient, cela me rappelle un autre uluberlu jupitérien). Malgré la nouvelle constitution qui limite le nombre de mandat du président à 2, il souhaite enchaîner les mandats (actuellement à son 3ème) sans jamais passer le relais. Toute opposition à cette volonté de maintenir un super-président se voit reprochée d’être manipulée par l’impérialisme états-unien, y compris les ONG…


Attention à ne pas vous méprendre, nous critiquons l’aspect « Evo-centré » de ce gouvernement mais il ne faut surtout pas oublier les progrès qui ont eu lieu la dernière décennie dans ce pays (réduction de la pauvreté de 60% à 38% de la population et diminution du nombre de personnes sous-alimentées de 38% à 16%) grâce à une meilleure redistribution des richesses (recettes de l’état multipliées par 20, notamment grâce aux nationalisations). Ce gouvernement est loin d’être parfait mais peut-être la situation est-elle préférable à ce qui se passe chez le voisin chilien, pays développé mais où les politiques économiques de droite ont complètement occulté l’aspect social du développement (peu de sécurité sociale, conditions de travail déplorables, salaire minimum et retraites de misère, éducation supérieure payante, aucun financement alloué au pompiers qui sont tou-te-s volontaires et dont les outils de travail proviennent d’autres pays) ?

Ce voyage nous aura, entre autre, fait prendre conscience de la chance que nous avons de vivre dans un pays où nos ascendant-e-s se sont battus pour nos droits sociaux ! Le quinquennat à venir nous donnera l’occasion nous aussi de militer pour ne pas perdre nos droits acquis de hautes luttes. Un nouveau projet d’après voyage !